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Après la baignade autorisée à Paris, la pêche en aval ? « Malgré tous les signes, la situation sur la Seine reste bloquée »

Ils sont les véritables vigies de la qualité des eaux de la Seine. Mais ils ont presque disparu. Ce ne sont pas des poissons, des plantes ou des insectes, mais… les deux derniers patrons pêcheurs professionnels installés le long du fleuve, en aval de Paris. Titulaires de lots de pêche officiels, délivrés par les autorités idoines, ils ne peuvent plus, depuis une quinzaine d’années exercer leur métier sur le fleuve qui serpente, après Paris, l’ouest de l’Île-de-France puis la Normandie. Yoann Bertolo est l’un d’eux. Il est également le président de l’association agréée des pêcheurs professionnels en eau douce des bassins de la Seine et du Nord. Outre les deux patrons, l’association rassemble des pêcheurs professionnels qui se comptent sur les doigts d’une main.Yoann Bertolo est tombé tout petit dans l’activité de pêche. Désormais seul à la tête de l’entreprise familiale éponyme sise à Sainte-Geneviève-lès-Gasny (Eure), le trentenaire représente la huitième génération de mariniers poissonniers pêcheurs. Durant ses années d’exercice, il a observé les évolutions de la profession de pêcheur en eau douce. Jusqu’à l’interdiction de pêche pour raisons sanitaires, qui perdure aujourd’hui. Une interdiction de pêcher et de consommer des poissons de presque toutes les espèces qui concerne, encore aujourd’hui, les pêcheurs à la ligne amateurs comme les professionnels.Des prélèvements aux résultats similaires« Les autorités nous ont dit pourtant que la qualité de l’eau de la Seine s’améliorait nettement », rapporte Yoann Bertolo. « À tel point que, pour les Jeux olympiques de Paris en 2024, les baignades et les compétitions ont été autorisées dans la Seine. Certes, c’est en amont de nos zones de pêche, mais, chez nous, d’énormes efforts et des travaux ont aussi été réalisés pour améliorer les rejets dans le fleuve et ses affluents. »Ces travaux ont eu des effets bien mesurables. « Nous avons effectué des prélèvements sur différentes espèces de poissons. On a envoyé tout cela en analyse. Les résultats obtenus sont bons en ce qui concerne des polluants, comme les PCB (polychlorobiphényles, NDLR) les PFAS, ces polluants éternels, le mercure ou encore le plomb et le cadmium », développe Yoann Bertolo. Mais la réaction des autorités n’a pas été celle espérée : « L’administration déconcentrée de l’État dans les trois départements de l’Oise, des Yvelines et de l’Eure nous dit que nous n’avons pas respecté les bons protocoles. Pourtant nous avons aussi participé à une étude du même genre avec et sous couvert de l’Inrae (l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, NDLR). Là aussi, rien à signaler. »« En revanche nous constatons que des espèces qui avaient disparu sont présentes à nouveau dans le fleuve. Il y a par exemple une espèce de moule qui avait complètement disparu et qui est de retour en aval de Paris. Malgré tous ces signes, la situation sur la Seine reste bloquée et nous ne pouvons toujours pas pêcher », regrette-t-il.Une activité nationale par nécessitéD’où cet exil contraint auquel les pêcheurs professionnels en eau douce du bassin de la Seine et du Nord se plient depuis plus de 15 ans. « Nous pouvons encore faire notre métier sur l’Oise », nuance Yoann Bertolo. « Mais, sur une année complète, nous sommes partis de deux à trois mois. »Leurs missions les emmènent partout en France, notamment pour réaliser des pêches de sauvetage. « Dans ce cas, nous intervenons lorsqu’il y a des gros travaux, comme dans le cas du canal Seine-Nord Europe du côté de Compiègne. Ou bien lorsque des étangs, mais aussi des rivières sont mis à sec. Dans ce cas-là, nous prélevons le poisson », précise Yoann Bertolo.L’autre activité qui leur permet de survivre est la pêche d’inventaire. Au début de cet automne, ils ont pu en réaliser dans les étangs de la Brenne dans l’Indre. « Ce complément d’activité est essentiel pour nous et nous permet de travailler toute l’année, car nous ne sommes pas éleveurs mais seulement pêcheurs, essentiellement dans des étangs et dans l’Oise », insiste Yoann Bertolo.Le fruit de ce travail est ensuite valorisé via des circuits plus ou moins courts. L’essentiel du produit de ces pêches est directement revendu dans les restaurants proches de la zone de prélèvement. L’autre partie est valorisée sous forme de rillettes et de soupes. « Pour cela, nous travaillons avec une conserverie de la baie de Somme installée à Saint-Valery-sur-Somme », confirme Yoann Bertolo. « Les goûts et donc la demande évoluent. Nous valorisons de plus en plus le silure ou la brème. »Conditionnées en petits pots de verre, ces rillettes intègrent des recettes de chefs de renom en région parisienne et au-delà. Malgré l’interdiction sanitaire qui bloque toujours son retour sur le fleuve francilien, la pêcherie Bertolo a trouvé d’autres scènes pour exercer ses talents ancestraux.

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