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« Ce n’était plus rentable » : à Paris, le restaurant historique du parc Montsouris ferme, étranglé par les charges

Les nappes sont rangées et les frigos désespérément vides. Le pavillon Montsouris a fermé définitivement ses portes, le week-end dernier. La mise en liquidation judiciaire du restaurant situé au sein du parc du XIVe arrondissement met fin à une aventure de 38 ans pour Yvan Courault. « C’est très triste, d’autant plus que je n’ai pas vraiment pu dire au revoir à mes clients et leur expliquer pourquoi c’est terminé », souffle celui qui avait fait ses armes comme directeur d’un autre établissement parisien, le Grand Véfour.Lorsqu’il récupère en juillet 1987 la concession du Pavillon Montsouris, élégant bâtiment dont la terrasse ouvre sur le verdoyant parc à l’anglaise, le chef d’entreprise lance des travaux pour agrandir la salle aux grandes baies vitrées. Avec le salon privatif à l’étage, l’établissement propose 150 couverts plus 95 en extérieur aux beaux jours.Une affaire florissante portée par une cuisine raffinée dont l’ultime carte est encore inscrite sur les ardoises accrochées dans la salle désertée. Les derniers clients du menu à 59 euros ont savouré des conchiglioni au tourteau, un dos de bar à la plancha ou des ris de veau croustillants.Le difficile après-CovidLa concession avec la Ville de Paris a été reconduite à quatre reprises, dont la dernière fois en 2019 pour une durée de dix ans. Le début des ennuis pour Yvan Courault. Comme tout le secteur de la restauration, l’établissement ferme ses portes au gré des confinements et des couvre-feux alors que pays est touché par le Covid. Mais lorsque l’épidémie s’essouffle, le pavillon Montsouris peine, lui, à retrouver toute sa santé. Si les clients fidèles sont au rendez-vous, l’affluence ne revient jamais au niveau d’avant 2020.« Les travaux dans le quartier ont rendu l’accès difficile », pointe Yvan Courault qui bénéficie d’un parking attenant à l’établissement. « Le télétravail et les difficultés économiques des entreprises ont aussi un impact sur les repas d’affaires. Les grands repas de fin d’année sont annulés. Les matières premières et le coût de l’énergie ont explosé, mais je ne pouvais pas tout répercuter sur les prix. » De 35 salariés, le restaurant passe à seulement dix et doit fermer certains soirs. « Ce n’était tout simplement plus rentable. »Mais le chef d’entreprise de 74 ans tient surtout pour responsable la Ville de Paris. Lorsqu’il signe son contrat en 2019, le montant de la redevance annuelle double pour atteindre près de 170 000 euros. Il s’engage également à effectuer des travaux pour 1,6 million d’euros afin de rafraîchir le bâtiment datant de 1889. Des investissements dont seulement une partie a été effectuée.« Je perdais 50 000 euros par mois »« Les Bâtiments de France ont bloqué le projet qui a pris du retard car les services ont été débordés par la reconstruction de Notre-Dame et les Jeux olympiques. Lorsque j’ai enfin eu les autorisations en juin 2024, il ne me restait plus que quatre ans pour rentabiliser les travaux, donc aucune banque ne m’a suivi. J’ai demandé à la Ville de revoir mes loyers ou de prolonger la concession pour avoir l’accord des banques, mais ils n’ont rien voulu savoir. Je ne me suis pas versé de salaire depuis 2020, ma trésorerie est épuisée et à la fin, je perdais 50 000 euros par mois. Je n’ai pas eu d’autres choix que de déposer le bilan. »Du côté de la Ville, on rappelle qu’en raison de la crise du Covid, « le concessionnaire a été exonéré de 67 % de sa redevance forfaitaire pour 2020, puis de trois mois de redevance (forfaitaire et sur chiffre d’affaires) pour 2021 » et que le permis de construire délivré en 2024 prévoyait des travaux réduits. L’Hôtel de ville précise également que les modifications des termes du contrat étaient juridiquement impossibles pour des raisons de mise en concurrence. Enfin, la résiliation à l’amiable a été proposée sous réserve du règlement des arriérés. Mais finalement rejeté « en l’absence d’apurement de la dette ».« Je dois encore 136 000 euros à la Ville et j’ai des dettes auprès de certains fournisseurs », reconnaît le chef d’entreprise. Il craint désormais que les murs restent vides de longues années. « Il va y avoir les élections municipales puis il faudra lancer un appel d’offres auquel personne ne répondra à ces conditions, assure Yvan Courault. Le risque est que le bâtiment soit squatté et se dégrade. Qui voudra alors le reprendre ? »Dans les allées du parc Montsouris, on regrette déjà la fermeture du restaurant. « C’était un peu cher mais l’endroit était vraiment exceptionnel, glisse Martine en promenant ses chiens. On aimerait bien que cela reste un endroit où on puisse venir déjeuner ou boire un verre. Ce sera dommage que cela n’existe plus. »

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